Mes Carnets

Je me souviens du soulagement, du bien-être dans lesquels j'étais après cette décision. L'euphorie passée, je me suis dit qu'il fallait que je me mette au travail : je ne savais pas dessiner ( je ne sais toujours pas dessiner ! ), je ne me connaissais pas. Je ne savais pas de quoi j' étais capable. C'était une grande interrogation.

Pas de stress, de la curiosité d'enfant, de la gourmandise de couleurs, de formes... Je décidais donc de me mettre au travail de manière quotidienne, sur un petit format facile à transporter, sur un objet plaisant à manipuler : un carnet.

J'ai commencé à dessiner avec des stylos plumes chargés d'encres de couleurs, un rose, un vert, un bleu, un violet, un noir.
J' ai commencé à chercher des grosseurs de pointe de feutres en privilégiant le noir. Puis j'ai découvert les feutres Stabilo-pen 68, 50 couleurs ! Je les voulais toutes, avec leurs dégradés, leurs nuances, un émerveillement quand je les ai reçus ! Je me suis mise au travail comme une folle. Les formes, les traces, colorier, cerner... Je pouvais faire 5 ou 6 pages à la suite, facilement. C'est à la septième que le travail de création commençait vraiment, car je m'étais donné une règle : ne jamais faire deux fois la même chose. Il fallait donc inventer encore, laisser advenir l'inconnu de moi-même. Cela a duré plusieurs années.

La règle a évolué : la page de droite dessinée, la page de gauche écrite. Je me suis procurée des craies d'art à l' huile, des Neopastels de Caran d'Hache. Et puis l'aquarelle, qui, sur des pages de carnet, donnait du froissé, passait à travers la page et se déposait par fragments sur la page suivante... j'ai fait tout un tas d'expérience de matière, dessinant avec du café, du chocolat, de l'encre de Chine, du brou de noix.... tout ce qui me tombait sous la main.

Ce travail quotidien sur le carnet a permis à ma main de prendre de l'assurance, a permis à ma tête d'oser toujours plus, a permis à mon œil de s'habituer à un foisonnement, à s'ébahir, à devenir exigeant, à s'amuser en prenant distance. Je possède une cinquantaine de carnets, ou plus. En 1997, quand je me suis consacrée à la sculpture et à la gravure à plein temps, mes carnets sont devenus plus écrits, illustrés de fragments de gravures ou de croquis. Format 20x20, 300pages, depuis 5 ans, j'en suis au n° 22. J'ai fait aussi des carnets de voyage, Rome, Tunisie, Québec.. Je ne pars jamais sans mon carnet car j'ai un rendez-vous quotidien avec lui, chaque matin.

J'ai décidé de vous livrer les dessins de mes deux derniers carnets, d'août 2010 à février 2011, peut-être pour vous inciter à oser.